«Vinyan» en eaux troubles

 

Tournage en Thaïlande du deuxième film de Fabrice du Welz sur la dérive d’un couple à la recherche de leur fils disparu dans le tsunami de 2004.

 

Par ARNAUD DUBUS

QUOTIDIEN : mardi 21 août 2007

 

 

 

Chapeau de brousse sur la tête et pieds fichés dans la boue, le réalisateur belge Fabrice du Welz donne des indications de jeu aux acteurs. Autour d’eux, sur les terrasses des maisons sur pilotis, les ­pêcheurs d’un petit village musulman proche de la ville de Krabi, dans le sud de la Thaïlande, suivent avec attention et amusement les évolutions de l’équipe de tournage. Le paysage est grandiose. De la plage de sable noir surgissent des pitons rocheux où des portions de jungle s’accrochent, çà et là, sur les parois verticales.

Pluies.  Emmanuelle Béart, vêtue d’une robe en haillons, s’avance à pas lents puis s’effondre sur le sol gorgé d’eau. L’acteur britannique Rufus Sewell se précipite pour la relever. Une seule prise pour cette scène difficile. Entamé depuis la mi-juin, le tournage du ­second ­long métrage, Vinyan (qui signifie l’âme, en thaïlandais) de Fabrice du Welz s’achève dans le sud thaïlandais. Le travail fut éprouvant, notamment du fait des pluies diluviennes qui arrosent la région en cette période de l’année, sans parler des moustiques qui deviennent particulièrement voraces quand la journée s’achève à 22 heures, sous les spotlights.

Le tsunami qui a ravagé le sud de la Thaïlande en décembre 2004 est le point de départ de Vinyan mais il ne s’agit en aucun cas d’une fiction relatant directement la tragédie. «C’est un film d’amour, la quête d’une mère», explique Fabrice du Welz, dont le premier long métrage - le film d’horreur Calvaire - avait était remarqué au festival de Gérardmer en 2005.

 

 

Dérive.   Emmanuelle Béart et Rufus Sewell incarnent un couple franco-britannique, Jeanne et Paul, dont le fils a disparu lors du tsunami. Restés à Phuket plusieurs mois après le raz-de-marée, ils croient reconnaître leur enfant dans un documentaire sur les conséquences des vagues déferlantes en Birmanie projeté lors d’un dîner de charité. Illusion engendrée par l’impossibilité d’accepter la perte d’un enfant ou extraordinaire coup du destin ? Le couple s’embarque dans une quête désespérée dans la jungle birmane, guidé par un ­lunatique «parrain» thaïlandais joué par le chanteur Petch Osathanugrah. L’odyssée sombre dans une dérive où le couple implose. Au finale, réalité et fantastique s’entremêlent dans un dénouement qui n’est pas sans rappeler Sa Majesté des mouches de William Golding.

Fabrice du Welz dit avoir été choqué par le traitement médiatique du tsunami. «Dans tout le ramdam, il y avait l’idée qu’un enfant blanc était plus important qu’un enfant thaï ou birman, qu’une vie humaine n’était pas égale à une autre vie humaine, explique-t-il. Les notions de vie et de mort paraissent plus simples ici, en Thaïlande. Chez nous, le sujet est tabou. On peut montrer des cadavres d’Irakiens, mais pas question de filmer le corps d’un soldat américain.»

Mais le réalisateur se garde de revendiquer quoi que ce soit, si ce n’est le droit à l’ambiguïté. «J’ai voulu renouer avec le fantastique poétique des années 70 et 80, avec ces films qui pouvaient être chargés de sens», raconte-t-il. Benoît Debie, chef opérateur favori de Fabrice du Welz, a tenté de «multiples expérimentations» avec la caméra, allant jusqu’à se laisser glisser le long d’un câble suspendu entre des cocotiers pour obtenir des images plus dramatiques.

«Risques».  «C’est un pari pour Emmanuelle Béart. On ne s’attend pas à la voir dans un tel film», estime Jean-Philippe Tirel, directeur de Wild Bunch, la firme de distribution du film. «C’est un film à risques, mais qui peut exploser. Le cinéma de Fabrice est très personnel», indique Didier Kinsella, réalisateur belge qui filme les coulisses du tournage pour les bonus DVD de Vinyan, et le couple cinématographique formé par Emmanuelle Béart et Rufus Sewell semble fonctionner. «Dès le départ, nous nous sommes comportés l’un avec l’autre très naturellement», affirme Rufus Sewell, qui a notamment joué dans Tristan + Yseult et Paris, je t’aime.

 

Coproduction franco-britannique (The Film/Film Four), Vinyan, dont les dialogues sont en anglais, devrait sortir en France au deuxième semestre 2008.