Un film de Claire Doyon chargé de symboles,
empreint d'un érotisme diffus.
C'est une fable féerique, un conte qui fait pschitt ! Claire
Doyon nous invite dans son monde scintillant où les gouttes de rosée
étincellent comme des diamants. Un monde clos où l'on se déguise
avec des étoffes brillantes bariolées, où les mots sont comme des
parures, où plane, partout, tout le temps, un érotisme diffus.
C'est vrai dès le premier plan, où Clémentine apparaît telle une
fée, dans une danse maladroite et gracieuse à la fois, parée d'une
immense perruque rouge électrique. On est sous le charme ou on ne
l'est pas (auquel cas, mieux vaut tout de suite quitter la
salle : ça ne va pas s'arranger).
Dans une île déserte, au bord de la mer, dans une pinède, sur un
ponton, en haut d'un arbre, dans la maison, Olive et Clémentine, la
bleue et la rouge, chantent (lyriquement, faux), dansent. Elles
rugissent, se battent comme des petits animaux, rient, se pendent
aux branches des arbres. Impossible de leur donner un âge. Leurs
parents sont couple d'ogres sensuellement amoureux l'un de l'autre,
Néfertiti, alias Dani, sorcière envoûtante et maternelle, et Robert,
alias Jacno, poète provocateur brutal. "Mon amour, mon palace,
mon Las Vegas..." (extrait de la parade amoureuse de la mère).
"Et ta chatte ?", répond le père.
On est dans le symbolisme. Le statut iconique des deux figures
dark de la chanson française, Dani et Jacno, sont un des éléments de
la composition délicate de la cinéaste, qui joue avec les signes,
les couleurs, les formes, les matières, les sons. En plans fixes
exclusivement, elle les assemble au gré de sa fantaisie, un tableau,
puis un autre.
Il y a une histoire toutefois, liée à l'arrivée d'un élément
dérégulateur. Un garçon qui rompt brutalement l'harmonie entre les
deux sœurs. Echoué sur la plage, recouvert d'algues, il est ramené à
la vie par Olive, celle qui semble la plus jeune des deux.
Isabelle Regnier
Film français de Claire Doyon. Avec Marie Félix, Lisa Lacroix,
Guillaume Gouix, Dani, Jacno. (1 h 17.)